Conférence de DAMIEN BROC au CUM le 13 avril 2016 à 16 h. LA CORSE AUTOUR DE L’AN 1500 – Aspects politiques, économiques et démographiques

  • Par jeanpierrepoli
  • 30 mars, 2016
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Résumé de la conférence : Aspects de la Corse « renaissante » , dynamiques démographiques, agricoles et commerciales (1453 – 1540 env.)
Par Damien BROC , Docteur en histoire du Moyen Âge, auteur de la thèse « Dynamiques politiques économiques et sociales dans la Corse du Moyen Âge : le diocèse du Nebbio ».
Au long des XIVe et XVe siècles, les Corses tentaient par diverses voies d’unifier leur île au plan politique. Sans succès, tant étaient vives les divisions sociales et partisanes entre populaires, seigneurs et caporali. À partir de 1453, commençait un cycle nouveau. La Commune de Gênes, de plus en plus endettée, confiait alors le gouvernement de l’île à une association de créanciers privés qui détenait une part substantielle de la dette publique génoise : il s’agissait de la Banque de Saint-Georges, appelée aussi Office de Saint-Georges. En recourant à cette puissance financière, Gênes pensait enfin avoir les moyens de prendre en main, certes indirectement, le gouvernement de la Corse. Or, la première tentative de Saint-Georges (1453-1463) fut un échec. La Banque se lança dans une deuxième entreprise de conquête en 1483. Elle finit par s’emparer de l’île, à l’issue de près de 30 ans de guerres (1511), et s’y maintint jusqu’en 1562.
Durant une bonne partie de ce siècle de Saint-Georges en Corse, soit de 1453 à 1540 environ, l’île connut une phase de développement démographique et économique tout-à-fait notable.
Après les saignées de la seconde moitié du XIVe siècle, liées à la Peste Noire et à ses résurgences, la population du nord de l’île augmentait de 14,5% entre 1468 et 1537 et aurait atteint, à cette dernière date, 20.000 ou 22.000 feux soit 90.000 à 100.000 habitants.
Dans le même temps, le Sud pourrait avoir connu une croissance plus vive encore qui aurait porté sa population de 6.450 feux à 8.000 ou 9.000 feux, soit 36.000 à 40.000 habitants.
Cependant, la tendance pluriséculaire à l’émigration demeurait importante. Les pénuries récurrentes de grains (une année sur deux ou sur trois), les violences, la politique génoise de dépeuplement forcé de plusieurs régions de l’île, parmi lesquelles le Niolu, et peut-être aussi une saturation démographique dans certaines pièves alimentaient des courants d’émigration en direction de divers lieux de Méditerranée occidentale : Gênes, Rome et le Patrimoine de Saint-Pierre, le nord de la Sardaigne et la Toscane. Les insulaires se rencontraient notamment en nombre à Piombino, où ils s’inséraient convenablement à la société locale par le travail.
La Corse pâtissait également de récoltes de grains fragiles et très fluctuantes d’une année à l’autre. Moyennant quoi, le grain manquait une année sur deux ou sur trois. Ceci dit, il en allait de même ailleurs en Occident. Parmi les céréales cultivées, le froment dominait et représentait 60% de la production. Suivaient ensuite l’orge et le seigle avec respectivement 27% et 13% des volumes produits.
Parallèlement, les liens commerciaux qui s’étaient noués de longue date entre la Corse et la péninsule italienne se renforçaient. Gênes, en particulier, exerçait une attraction accrue liée à son emprise politique. La Corse sut en tirer profit. Ainsi le vin, qui constituait sans doute depuis longtemps le fleuron de l’économie insulaire, se vendait fort cher dans la capitale ligure en raison de sa qualité exceptionnelle. De fait, il y rencontrait un engouement toujours plus grand, de sorte qu’entre 1484 et 1505 les exportations de vin corse doublaient. La Corse exportait aussi des matières premières comme le myrte, la cire ou le corail qui lui rapportaient des sommes assez importantes.
Malgré l’essor des activités commerciales, le développement de l’île se révélait imparfait. On le perçoit aux exportations, qui se limitaient à des matières premières agricoles, et aux importations composées essentiellement de produits manufacturés (tissus, vêtements, outils etc.). Cette forme de dissymétrie commerciale démontre que l’artisanat et les activités de transformation ou de production manufacturière étaient très mal développés dans l’île.
Pour autant, les échanges commerciaux corso-génois ou corso-italiens étaient d’un bon profit pour nombre de patrons de barque ou de marchands des bourgs littoraux de l’île. Les Santelli-Cienci de Saint-Florent représentaient sans doute la plus belle réussite de cette époque. Le négoce fit leur fortune mais pas seulement car ils surent réinvestir leurs bénéfices commerciaux dans des titres de la dette publique génoise, un placement sûr et rentable, qui fit fructifier leur capital et permit à Pietro Battista Santelli d’acheter une partie de la seigneurie de Canari en 1536.
En somme, la Corse connaissait entre 1453 et 1540 environ une phase de développement important mais inégal, qui se manifestait surtout au plan de la démographie, de la viticulture et du commerce. Cet essor résultait avant tout d’un environnement favorable, étant entendu que la reprise démographique et économique se faisait sentir un peu partout en Méditerranée occidentale. Quant à l’Office de Saint-Georges, jusqu’aux années 1530, il ne contribuait en rien – ou peu s’en faut – au développement économique de l’île. Certes, il veillait au ravitaillement de la population mais il nuisait à l’économie insulaire lorsqu’il dépeuplait de force certaines pièves ou tentait de détruire les salines de Saint-Florent. La donne changerait quelque peu dans le courant des années 1530 lorsque l’Office se déciderait à favoriser la remise en culture des terres littorales par le biais de concessions de grands domaines.

 

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