SANTU CASANOVA L’INVERNU IN CORSICA – ESSAI de TRADUCTION
Poème en langue Corse – Essai de traduction par Dominique POLI
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L’Invernu in Corsica / L’Hiver en Corse
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Tutte le nostre muntagne / Toutes nos montagnes
Parenu tante spusate ; / Sont comparables à des mariées ;
I gligli si so sfiurati / Les lys ont retiré leur belle parure
Par copre le so vallate, / Pour en couvrir les vallées,
E l’aque di li ruscelli / Et les eaux des ruisseaux
Lucenu cume vitrate. / Luisent comme un miroir.
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Soffia in orrida timpesta / Souffle en horrible tempête
La piu cruda tramuntana ; / La plus cruelle tramontane ;
Ogn’acellu infritulitu / Les oiseaux frigorifiés
Da i monti s’alluntana, / Fuient les altitudes
E la volpe di rapina / Et le renard de ses rapines
Porta carne in la so tana. / Amène la viande dans son terrier.
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Cumu faranu li ricchi / Comment vivent les riches
Cundannati à lu fucone ? / Contraints de rester près de l’âtre ?
Un piengu li puvarelli / Je ne plains pas les pauvres gens
Chi campanu di canzone ; / Qui vivent de chansons ;
Cu a spiranza sempre in pettu / Avec toujours l’espoir au coeur
Spegnenu lu nivaghjone. / D’arriver à surmonter les grosses neiges.
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Furtuna chi u parcittore / C’est une chance que le percepteur
Un si move di’ Jinnaghju / Ne se déplace pas en janvier ;
Ma sorte quande lu cuccu / Il se manifeste en même temps que le coucou
Versu li primi di maghju / Aux premiers jours de Mai
E manda le carte gialle / Et envoie ses feuilles jaunes
Par fa scorn’à u rusulaghju ! / Pour faire palir de jalousie le rosier.
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Si vo’ un aveta cappotti, / Si vous n’avez ni capuchon
Ne piloni, ne mantelli, / Ni pardessus en poil de chèvre, ni manteau
Racumandatev’à un focu, / Rapprochez-vous du feu
Stu babu di l’urfanelli, / Ce père des pauvres orphelins,
Ma un appiccate pignatta / Mais n’accrochez pas la marmite
Chi so chjusi li macelli. / Car les boucheries sont fermées
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Cuminciate pur’avà / Vous pouvez déjà
A fa lu quarisimale ; / Commencer le carême ;
U dighjunu sara longu / Le jeûne sera long
E cortu lu carnavale ; / Et bien court le mardi-gras (le Carnaval)
In Corsica un c’è più Pasqua / En Corse il n’y a plus de Pâques
Ne fistini di Natale. / Ni de festin de Noël
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Fussimu puru bugiardi / Puissions-nous être menteurs
Cume certi diputati, / Comme certains députés,
Turnassinu l’anni d’oru / Puissent revenir les années d’abondance (d’or)
Da noi tantu suspirati, / Que nous attendons en soupirant,
Chi saria u nostru dicoru / Notre voeu le plus cher serait
D’esse tutti furtunati. / D’être tous riches.
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Ma so puri desiderii, / Mais tout cela n’est que désir
Illusione di ciarbellu ! / Rêves chimériques (illusions de tête)
Qual’è ch’un pensa ricchezze, / Qui ne rêve de richesses,
Qual’è un face un castellu, / Qui ne bâtit de châteaux en Espagne
Durmendu nantu le piume, / En dormant sur le duvet
Ancu sottu lu mantellu ? / Et couvert d’un manteau ?
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Oh ! sonnij ne femu tutti / Oh ! des rêves nous en faisons tous
A pro di li nostri cari ! / Pour les nôtres bien aimés !
Li prighemu la furtuna / Nous leur souhaitons la réussite
E l’incenzi di l’altari, / Et l’encens des autels (hommage de ses pairs)
E curone di l’alloru / Les couronnes de lauriers
Cu li tituli più rari. / Pour les diplômes les plus recherchés.
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Ma li sonnij e le chimere / Mais les songes et les chimères
Chi l’omi facenu in lettu, / Que l’homme fait dans son lit,
Prima chi venga lu ‘jornu / Avant que le jour ne se lève
Spariscenu senza effettu, / S’évanouissent sans effet (sans réalité)
E li monti di ricchezze / Et les montagnes de richesses
Lascianu lu campu nettu. / Ne sont que plaines arides !
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Statevine à lu fucone / Restez près de la cheminée
Cusgendu li vostri stracci, / A coudre nos guenilles
Parchi la furtuna ceca / Car l’ambition aveugle
Ha lasciatu li pagliacci, / A délaissé les masures (les matelas de maïs)
E vive cu l’impustori / Elle vit avec les imposteurs
Chi guidanu i pupulacci. / Qui mènent les pauvres peuples (la plèbe)
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Allivate li figlioli, / Eduquez les enfants
Fàtene corsi di core, / Faites en sorte qu’ils soient des Corses de coeur
Par cunsirvà quella razza / Pour perpétuer cette race
Ch’era sempre pront’ à more / Qui n’avait pas peur de mourir (et donnait son sang)
Pa la Patria, pa la Croce, / Pour la Patrie, pour la Croix
Pa la vita e par l’onore. / Pour la vie et pour l’honneur
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Avà chi face lu fredu, / Maintenant qu’il fait froid
Aggruppati à lu fucone, / Regroupés autour du fucone (de la cheminée)
Cuntate le storie corse / Racontez les légendes corses (l’histoire)
E cantate le canzone / Chantez les chansons
Di Sampieru e Sambucucciu, / De Sampiero et de Sambucucciu
Paoli e Nabulione. / De Paoli et de Napoléon
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L’invernu sarà piu cortu / L’hiver sera plus court
E lu fredu menu forte ; / Et le froid sera moins piquant ; (fort)
I zitelli ascultaranu, / Les enfants écouteront
Starà à sente la cunsorte, / L’entourage sera à l’écoute
E impararanu ad apre / Et ils apprendront à ouvrir
A i povari e so porte. / Leur maison aux pauvres gens
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Pour l’accademia corsa
Dominique POLI
Février 2003