LA GESTION COMMUNALE DE BONIFACIO SOUS LA DOMINATION GENOISE

La Fondation de Bonifacio par la République de Gênes est intervenue en deux temps.

La première date est celle de 1187, mais c’est surtout en 1195 que l’établissement fut durable ainsi que la mise en place d’une colonisation de peuplement à grande échelle.

Gênes due cependant faire de nombreuses concessions en diverses étapes notamment laisser libre cours aux privilèges existants : de battre monnaie et de produire du sel ; privilèges inscrits dans un recueil reprenant les statuts de Bonifacio appelé « libro Rosso », aujourd’hui disparu.

A partir de 1560, la République de Gênes engage dans l’île une profonde réforme institutionnelle et va confier, au début du XVIIè siècle, à un notaire GIO BATTISTA MAZZOLACCIO, descendant d’une des plus vieilles familles de Bonifacio les « ANDROVENDI », le soin de réformer les statuts de Bonifacio.

Ce sera chose faite en 1619. Ces statuts seront publiés à Gênes sous le titre « Les statuts civils et criminels de la communauté de Bonifacio », lesquels régiront la vie de la cité dans tous les domaines : économique, judiciaire et politique. Les articles régissent la vie administrative dans la cité.

Ce qui fut le plus marquant est que le Podestat cède sa place à un Commissaire qui représente la République à Bonifacio, qui devient siège d’une province autonome, et avec la réforme des statuts par MAZZOLACCIO, le Conseil municipal composé à l’origine de cinquante membres sera diminué de moitié, peut-être pour plus d’efficacité et pour mieux gérer les responsabilités, mais certainement aussi à cause de la mortalité importante de la population par la peste en 1528.

LE POUVOIR COMMUNAL

Les statuts précisent devoirs et pouvoirs des uns et des autres.

Ainsi, le Commissaire de Bonifacio, tout comme le Gouverneur de Corse et ses homologues de Calvi et Ajaccio, est nommé pour deux ans et issu de la noblesse génoise.

Avant sa prise de fonction qui impliquait une prestation de serment sur les évangiles et respecter scrupuleusement privilèges et franchises des Bonifaciens.

Son champ d’action est donc limité par ces privilèges qui, par ailleurs, conditionnent la gestion communale confiée au Conseil et à un exécutif comprenant quatre anciens.

Ces privilèges faisaient vraiment l’originalité de Bonifacio. Ainsi en 1769, l’Intendant CHARDON dira « Bonifacio paraît avoir été une République démocratique sous la protection des souverains avec lesquels elle avait fait en divers temps, des traités et conventions particuliers ».

Les Bonifaciens étaient exemptés de la gabelle et autorisés à lever telle imposition qu’ils croyaient utile pour l’ensemble de la communauté.

En matière de justice, tout habitant de Bonifacio pouvait relever appel à Gênes d’une condamnation en première instance dans un délai de six mois.

En outre Bonifacio n’était redevable à Gênes ni de service armée, ni d’imposition et disposait d’une grande liberté d’action dans le domaine judiciaire.

Bonifacio avait toutes les caractéristiques d’une ville autonome que pouvaient lui envier les autres cités de l’île assujetties à Gênes.

A – L’exercice de ce pouvoir communal

La gestion des affaires est confiée à un Conseil (25 conseillers + 4 anciens) élu et renouvelable chaque année.

Etaient présents aux délibérations du Conseil, le Commissaire de la Républiques et un greffier chargé de dresser les procès verbaux des délibérations, qui permettent aujourd’hui de connaître le mode de fonctionnement de l’assemblée communale.

Les anciens, dont le prieur détenait le sceau de la cité, constituaient en quelque sorte l’exécutif du gouvernement local et prenaient toutes mesures qui leur paraissaient nécessaires au bon fonctionnement de la vie publique.

Ces mesures devaient préalablement être soumises à l’approbation du Conseil pour être exécutoires et recueillir au moins les 2/3 des voix.

Compte tenu du nombre de conseillers, ces derniers n’avaient pas de peine à imposer leurs décisions aux anciens.

On peut dire que les anciens proposaient et les conseillers disposaient en dernier lieu. Le rôle du Commissaire de la République était sans influence déterminante en temps de paix, mais en cas d’insécurité ou de guerre, ses avis étaient le plus souvent suivis par le Conseil car ils représentaient les secours que les bonifaciens espéraient de Gênes.

Des officiers municipaux étaient chargés de gérer les différents secteurs de la vie publique et de faire appliquer les ordonnances du Conseil.

Les « MINISTROLI » étaient les officiers municipaux les plus importants, choisis dans le même collège électoral que les anciens et avaient pour mission essentielle de veiller à la bonne application des décisions du Conseil en matière fiscale.

On trouvait également dans cette organisation les estimatori dellà communitie dont la fonction était de trancher pour les déprédations des animaux domestiques sur les propriétés privées, et d’estimer les dégâts causés.

Quant aux Custode del Porto, ils étaient chargés des fonctions douanières.

Le conseil avait également un droit de regard sur l’utilisation des revenus des institutions religieuses.

Les soins médicaux étaient dispensés par les conservatori di sonità à tous les habitants de Bonifacio et ce gratuitement. Leur tâche était aussi de contrôler l’état sanitaire des navires en escale pour éviter notamment la propagation de la peste.

Attributions donc multiples pour le Conseil qui touchait tous les secteurs de la vie publique et dont il était véritablement le moteur.

B – Le recrutement du personnel politique

Apparemment, le choix des anciens et conseillers se faisait sur des bases démocratiques.

Les statuts précisaient que pour être conseiller, il fallait :

avoir 25 ans,

Et répondre à trois questions :

N’être ni débiteur, ni salarié de la commune,

Ne pas être consul d’une cour étrangère,

Ne pas être domicilié à plus de 12 miles de la cité.

Par ailleurs il était fait interdiction aux nobles génois d’intégrer le conseil

(souci d’indépendance) ainsi qu’au clergé et aux étrangers.

Pour être candidat à la charge d’anciens, deux conditions étaient nécessaires :

Avoir 30 ans,

Savoir lire et écrire.

Le système électoral comprenait trois phases :

Cooptation,

Vote,

Tirage au sort.

Tous les membres étaient renouvelables chaque année.

Ce caractère élitiste de cette désignation à plusieurs tours était commun à ce qui se passait dans les autres villes corses dominées par Gênes.

Tel était le fonctionnement communal à Bonifacio sous la domination de la République de Gênes.

Pour L’Accademia Corsa

BERNARD TERRAZZONI

Novembre 2002

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