PIERRE NAPOLEON BONAPARTE PRINCE CORSE
Calenzana, petite ville de Corse sise au sud-est de Calvi, s’honore d’une place « Prince-Pierre (BONAPARTE) ». Au milieu de cette place, le buste en bronze du Prince surmonte une imposante fontaine.
Qui était cet homme, et quel est son lien avec Calenzana ?
Une célébrité douteuse…
Ce personnage serait sans doute tombé dans l’oubli si un fait divers retentissant ne l’avait propulsé un temps sur le devant de la scène. Le 10 janvier 1870 vers quatorze heures, un homme échevelé sort en courant, pistolet au poing, du 59 rue d’Auteuil , demeure de Son Altesse le Prince Pierre BONAPARTE. Il hurle à l’adresse d’amis journalistes qui accourent à sa rencontre : « A l’assassin ! A l’assassin ! On assassine chez le Prince Pierre ! N’entrez pas ! ». Un jeune homme titubant le suit de près ; il s’effondre sur le trottoir. Transporté jusqu’à une pharmacie voisine, il y décèdera peu après.
Le Prince Pierre venait de tuer Victor NOIR.
Dès qu’il apprend le décès du journaliste, le Prince Pierre se constitue aussitôt prisonnier. Le soir même, il est interrogé, puis incarcéré à la Conciergerie. Cet évènement a un retentissement énorme à Paris et même à l’étranger. Il ébranle le régime impérial de Napoléon III.
La presse accable le meurtrier !
La presse d’opposition se déchaîne contre ce Prince, et le présente sous un aspect des plus sinistres. Ainsi le 11 janvier 1870, lendemain du drame, Henri ROCHEFORT écrit dans « La Marseillaise » un article incendiaire, véritable appel à l’insurrection : « J’ai eu la faiblesse de croire qu’un BONAPARTE pouvait être autre chose qu’un assassin… Voilà dix-huit ans que la France est entre les mains ensanglantées de ces coupe-jarrets qui, non contents de mitrailler les Républicains dans les rues, les attirent dans des pièges immondes pour les égorger à domicile. Peuple français, est-ce que décidément tu ne trouves pas qu’en voilà assez ? ». A la Chambre le soir même, Henri ROCHEFORT, toujours avec la même violence, s’écriera : « … depuis longtemps, on se demande si on est sous les BONAPARTE ou sous les BORGIA ! ».
Louis GIRARD écrit dans son livre « Napoléon III », à propos de Pierre : « C’est un homme violent, à la mentalité d’aventurier subalterne, toujours armé… » et il ajoute : « …homme d’une violence incontrôlée… ». Alexandre ZEVAES, dans « L’Affaire BONAPARTE », n’est pas plus tendre : « Incontestablement, écrit-il, il était d’un caractère emporté, violent et brutal ». Tout récemment enfin, en octobre 1990, Philippe SEGUIN, dans son « Louis-Napoléon le Grand » revient sur le « … caractère instable et violent … » de Pierre.
Mais qui est réellement cet homme ?
« Assassin », « aventurier subalterne toujours armé », « instable », « violent », « brutal » sont des qualificatifs souvent employés par les auteurs qui écrivent sur Pierre…
« Toujours armé », certes, mais à l’époque, beaucoup de gens l’étaient. Louis GIRARD souligne que « NOIR, en marge du journalisme, se rendit chez le Prince Pierre avec son ami FONVIELLE, tous deux armés aussi paraît-il » et il ajoute « Là, chacun se conduisit d’une façon plus courante dans une caverne de bandits que dans une maison à Auteuil, et l’affaire se termina par une gifle donnée par Victor NOIR au Prince, qui riposta promptement en tirant sur lui et en l’assassinant ».
« Violent », « brutal », sans aucun doute, mais aussi sensible et généreux. Cet homme d’action étouffe dans la société du Second Empire. En effet, en raison de son nom ou de sa parenté avec Napoléon III, tout y semble se liguer contre lui. Cet être incompris, mal-aimé comme il l’écrit dans une lettre à sa demi-sœur, sera souvent et à son grand regret mêlé à des situations dramatiques.
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L’enfance d’un Prince
Le fils de Lucien BONAPARTE, Pierre, passe son enfance dans une vaste propriété romaine. Les conditions de vie y sont particulièrement rudes. Toutefois, la fortune de ses parents lui permet d’avoir une éducation de très bonne qualité.
Pierre-Napoléon BONAPARTE est né à Rome le 11 octobre 1815. Il est fils de Lucien BONAPARTE et de son épouse Alexandrine JACOB de BLESCHAMP.
Lucien, frère puîné de Napoléon Ier, est un homme extrêmement brillant. Rappelez-vous ! A vingt-quatre ans _, Président du Conseil des Cinq-Cents, il joue un rôle décisif dans le succès du 18 Brumaire ! Il s’est cependant toujours plus ou moins opposé à Napoléon, qui lui reprochait la modeste extraction de sa femme. En 1815, pour les Cent-Jours, il sera toutefois aux côtés de son frère à Paris. A cette occasion, il sera enfin élevé au rang d’Altesse Impériale.
A lexandrine est la fille d’un petit avocat de Calais. Avant de connaître Lucien, elle a eu une petite fille, Anna-Hippolyte. Elle est très belle et a beaucoup d’esprit. Cela lui permettra, malgré de fortes pressions, de conserver l’amour de son mari. Le couple aura dix enfants.
Une nombreuse fratrie dans un vaste domaine
Pierre se trouvera ainsi parmi douze autres enfants (sept filles et cinq garçons), Les parents, en raison de leurs obligations mondaines, ne pouvaient s’en occuper directement. Cinquième garçon de cette nombreuse fratrie, Pierre, intelligent et très sensible, souffrira tout particulièrement de ce manque d’affection de la part de ses parents.
Livré à lui-même avec ses frères Louis et surtout Antoine, d’un an plus jeune, il grandit dans le domaine de Canino. Lucien l’a acheté en 1806 au Pape Pie VII _. Ce Pape, au retour de sa captivité à Fontainebleau en 1814, érigera Canino en Principauté. Il conférera à Lucien rentré lui-même de sa captivité en Angleterre – le titre de Prince Romain.
Canino, situé dans le Latium à plus de soixante kilomètres au Nord-Ouest de Rome, est un vaste domaine au cœur de la Maremme. Sa superficie est de huit mille hectares dont trois mille de bois avec également de nombreux marais le long de la mer Tyrrhénienne. Dans ce territoire sauvage, inhospitalier, insalubre, le paludisme est endémique. Le domaine comprend également les terres et le château de Musignano, près de Canino.
Pierre grandit au sein de cette nature rude où de nombreux bergers surveillent plusieurs milliers de têtes de bétail, bovins et ovins.
Pierre a de bons précepteurs
Cependant, Lucien et Alexandrine tiennent à ce que leurs enfants aient une solide formation. Ils confient donc l’éducation de Pierre et d’Antoine à deux précepteurs : l’abbé CASANOVA et le Père Maurice de BRESCIA. Ces éducateurs ne sont pas de simples religieux « de base » : ils ont une grande compétence dans de nombreux domaines. Maurice en particulier, père franciscain et grand ami de Lucien, comptait parmi les personnes les plus instruites d’Italie. Lucien appréciait tout particulièrement ses connaissances en astronomie et en archéologie, sciences auxquelles le Prince de Canino consacrait une grande partie de son temps.
Ainsi Pierre, doué pour les études malgré son caractère indépendant, réussit grâce à ses précepteurs à acquérir une solide culture générale et littéraire.
Outre son frère Antoine, les compagnons de Pierre étaient également le nombreux personnel employé aux champs, et surtout les bergers, pour la plupart d’origine corse. Si le rôle de ces bergers était de s’occuper des troupeaux, il était aussi de défendre la propriété et leurs maîtres contre les incursions de bandits, très nombreux et très entreprenants, qui infestaient la région.
Il vit dans une nature rude
Les bergers, pour remplir leur mission, étaient armés de fusils de chasse et accompagnés de gros chiens dressés à garder les troupeaux et les personnes. Pierre aimait se trouver parmi eux. Il écoutait leurs histoires de chasse et de bandits _. Le contact permanent avec ces hommes simples et rudes lui fit aimer la nature et les exercices physiques. Courir dans les bois, poursuivre le gibier au galop étaient ses grandes passions. Il pratiquait également l’escrime et le tir à l’arc.
Solidement charpenté, vigoureux, ce garçon a également le cœur sensible. Dans ses « Souvenirs », il raconte comment il eut, tout petit, « une poignante impression » en assistant aux scènes barbares de l’abattage des agneaux. Ces bêtes du domaine étaient destinées aux marchés de Rome, à l’approche de Noël : « De gigantesques bergers les égorgeaient par douzaines. Ces géants immolaient sans pitié ces petits êtres inoffensifs ; ne sont-ils pas le point de départ de ma commisération pour les faibles, ma haine inextinguible contre les oppresseurs d’où qu’ils viennent, et mon mépris pour les lâches et les indifférents ? »
Gendarmes et soldats à Canino
La sécurité en Italie au début du XIXème siècle : une situation perfectible ! Les bandits se rendaient coupables de nombreuses exactions. Celles-ci restaient impunies la plupart du temps, ce qui augmentait encore leur ardeur.Ils s’attaquaient aux voyageurs ; femmes et enfants n’étaient pas épargnés. Ils pillaient et incendiaient.
Un fameux chef de bande nommé GASPARONE finit par se rendre. Au lieu d’être interné, il jouissait de sa liberté et touchait même une pension du gouvernement. La population romaine était outrée. Si par hasard la police l’arrêtait et l’interrogeait, il répondait : « Brigand pensionné ! ». On le laissait alors en paix.
Cette mansuétude des autorités ne l’empêcha pas de tirer un soir sur la voiture qui conduisait une marquise et sa jeune fille au théâtre. Lorsque la voiture qui n’avait pas voulu s’arrêter arriva au théâtre, la jeune fille était morte. Apprenant cela, GASPARONE disparut sans être inquiété outre mesure.
Dans ses « Souvenirs », Pierre écrira : « Tant de monstruosités impunies étaient faites pour enraciner dans tout cœur bien placé la résolution de se faire justice soi-même, au besoin ».
Les soldats étaient souvent envoyés dans la région à la poursuite des brigands. Ceux-ci terrorisaient la population. La plupart de ces soldats étaient des anciens de la Grande Armée. Ils racontaient au jeune Pierre leurs campagnes à travers toute l’Europe, et l’initiaient au maniement de leurs armes.
Quelques gendarmes pontificaux à cheval étaient anciens également des armées napoléoniennes. En permanence à Canino, ils formaient une petite brigade. Leur mission était de surveiller le Prince Lucien et sa famille. En effet, depuis la fin de l’Empire – après Waterloo -, ceux-ci étaient en résidence surveillée sous la responsabilité du Pape.
La région est peu sûre
Malgré la présence de ces militaires, la sécurité des biens et des personnes était loin d’être assurée. En 1817, le bandit DECASARIS faillit enlever Lucien lui-même dans son château de la « Ruffinella ». A 14 ans, Pierre avait également échappé à une embuscade en forêt de Canino, tendue par des bandits.
On a reproché plus tard à Pierre son amour des armes. La fréquentation des bergers corses dont nous avons parlé explique aisément cet amour. La présence permanente des soldats et gendarmes pontificaux y a aussi contribué. La passion de Pierre pour la chasse, dès son plus jeune âge, et l’insécurité permanente dans laquelle il se trouvait l’incitèrent à ne se déplacer qu’armé. En raison des dangers que courait la population de cette région, ses parents ne s’y étaient pas opposés. D’autres jeunes gens de son âge sortaient également armés, pour les mêmes raisons .
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Le rebelle à la recherche d’un destin
Notre jeune Prince, issu d’une famille déchue de ses fonctions souveraines, est un jeune homme ardent à la recherche du destin exceptionnel pour lequel il se sent prédestiné. Cette quête va l’entraîner dans des aventures rocambolesques.
L’auberge
Un soir de 1828, Pierre en compagnie de son frère Antoine et de ses précepteurs, fait halte dans une auberge. Il n’a alors que treize ans. C’est toutefois un adolescent vigoureux, bien charpenté. Il plaît aux femmes.
A la table d’hôte, une ravissante jeune fille lui adresse des regards engageants. Pierre ne reste pas insensible à ces avances. Trompant la vigilance de ses précepteurs, il réussit à obtenir un rendez-vous pour la nuit dans la chambre de la belle.
Plus tard, dans l’obscurité, il se dirige vers la chambre de sa conquête. Arrivé à la porte de celle-ci, il entend une dispute à voix basse entre un homme et la jeune fille qui semble terrorisée. La croyant en danger, il bondit dans la chambre et commence à se battre contre l’homme. Celui-ci n’est autre que l’aubergiste, et la jeune fille semble être sa maîtresse !
Heureusement l’arrivée des carabiniers de l’escorte met fin à cette empoignade qui aurait pu mal tourner.
Peut-on reprocher à Pierre son esprit chevaleresque ?
La fugue
Mais Pierre reste un rebelle, un idéaliste qui s’enflamme pour les causes qui lui paraissent justes.
La Charbonnerie française _ avait été très active dans les évènements de Paris. En 1830, ceux-ci avaient entraîné la chute de Charles X et l’avènement de Louis-Philippe. Ensuite, les Carbonari italiens se soulèvent en 1831 contre l’autorité du Pape.
Les fils de Louis BONAPARTE et d’Hortense, Napoléon-Louis et Louis-Napoléon , étaient membres Carbonari et participaient à cette insurrection. Pierre a alors 16 ans. Il bout d’impatience, et veut prendre part à cette révolte aux côtés de ses cousins germains, en particulier Napoléon-Louis .
Profitant de l’absence de son père, il quitte Canino avec son frère Louis, sans en informer personne. Lucien en est averti par un éducateur. Or, il ne souhaite aucunement déplaire au Saint-Siège auquel il doit sa principauté. A sa demande, les gendarmes arrêtent très rapidement les jeunes fugitifs, et les incarcèrent à Livourne. En raison de son jeune âge, Pierre bénéficie d’un régime de faveur de la part de ses gardiens. Il restera six mois en prison de mai à novembre 1831.
Pierre aux Amériques
A sa sortie de prison de Livourne, Pierre, interdit de séjour dans les Etats du Pape, s’embarque pour les USA en janvier 1832. Il va y rejoindre son oncle Joseph – ex-Roi d’Espagne – qui réside à Pointe Breeze, sur la Delaware, entre Philadelphie et New-York.
Il passera d’abord quelque temps à New-York, en compagnie de ses cousins germains qui s’y trouvent déjà. Il s’agit de Louis-Napoléon et Jérôme-Napoléon – dit « Plon-Plon » – fils du Roi Jérôme . Il se rend ensuite chez son oncle Joseph mais la vie facile et oisive qu’il y trouve ne lui convient pas du tout. Il lui faut du mouvement, de l’action pour avoir l’impression d’exister.
Une occasion se présente. La Colombie et l’Equateur deux Républiques associées d’Amérique du Sud – sont en guerre depuis de nombreuses années, et cette guerre civile est sur le point de se terminer. Nous sommes en juillet 1832.
Il demande à prendre du service dans l’armée du Général Président de la Colombie, SANTANDER, et cette demande est acceptée. SANTANDER apprécie chez ce jeune homme ses qualités de cavalier et son ardeur au combat. Il le prend auprès de lui comme Aide de Camp, avec le grade de commandant. Pierre n’a alors que 17 ans !
Il prend part à plusieurs batailles et en particulier à la prise de Santa Fe de Bogota. Sa bravoure, sa fougue, son mépris du danger et son dévouement lui valent la sympathie et l’estime du Général Président SANTANDER. Celui-ci lui propose, la guerre terminée, de rester dans l’armée colombienne.
Mais les puissances européennes s’opposent farouchement à une possible « montée de popularité » d’un membre de la famille impériale. Cette proposition n’a donc aucune suite au grand désappointement de Pierre.
Libre de tout engagement, il parcourt en touriste la Cordillère des Andes, mais ne tarde pas à être victime des « fièvres ». Malade, affaibli, il rentre à New-York en janvier 1833. Quelques mois après, le Pape Grégoire XVI l’autorise à revenir s’installer a Canino où il arrive en mai 1833. Il a 18 ans.
Le drame de Canino
Depuis son arrivée à Canino, il mène une vie très simple. Sa principale occupation est la chasse. Mais sa conduite n’est pas toujours irréprochable aux yeux de la police pontificale. Par exemple celle-ci l’accuse d’avoir tendance à s’immiscer dans les affaires de police de la région.
Le 20 avril 1836, avec son frère Antoine, il chasse dans les bois voisins de Canino. Soudain, à la place d’un gibier, surgit le fameux bandit SALTAMACHIONE. Celui-ci, auteur de plusieurs crimes, est très recherché par la police. Craignant d’être pris pour cible, Antoine tire sur le bandit et le blesse. Ils le remettent ensuite aux autorités. Les deux frères pensent être félicités pour cette arrestation. Ce fut tout le contraire, peut-être à la suite d’un rapport de police malveillant. Quoiqu’il en soit, le Pape Grégoire XVI décide de faire arrêter les jeunes gens.
Le 3 mai 1836, soit une quinzaine de jours après l’arrestation mouvementée de SALTAMACHIONE, Pierre et Antoine, retour de la chasse, arrivent sur la place de Canino. C’est jour de marché ; il y a foule. On signale à Pierre la présence du lieutenant de carabiniers de la Garde pontificale CAGIANO di AZEVEDO. Pierre, qui le connaît très bien, va à sa rencontre. Le lieutenant lui dit être à Canino par simple routine. Pierre l’invite à prendre un verre avec un de ses subordonnés au café voisin. Antoine, de son côté, est rentré au château.
Tout en devisant avec Pierre, le lieutenant observe la place, où plusieurs carabiniers ont pris position, sous les ordres d’un capitaine. A un signal, le lieutenant et son second bondissent sur Pierre et lui arrachent son fusil. Pierre, pensant à un guet-apens, se défend de toutes ses forces et d’un coup de couteau de chasse, blesse mortellement le jeune lieutenant.
Maîtrisé, blessé, Pierre sera finalement arrêté et incarcéré à Rome. Il est condamné à mort le 26 septembre 1836. Après 9 mois dans la prison pontificale du château Saint-Ange, le Pape le graciera.. Mais il doit à nouveau quitter Canino qu’il aime tant pour l’Amérique.
Voilà comment, à la suite d’un malheureux concours de circonstances et de maladresses policières, Pierre en est arrivé à poignarder mortellement un jeune officier de gendarmerie. Il partageait pourtant le verre de l’amitié avec celui-ci sans méfiance aucune.
Aventures à Corfou
Pierre s’embarque pour l’Amérique en févier 1837, où sa famille l’accueille assez froidement. En outre, la vie américaine ne lui convient pas, il a besoin de mouvement. Il rejoint alors Londres. Il offre ses services au Tsar de Russie, au Khédive d’Egypte, à l’Espagne, et à d’autres pays, mais toutes ses tentatives échouent.
Il décide alors de se rendre dans les îles Ioniennes, à Corfou. Il fait une escale de 24 heures à Malte. Malgré les risques encourus, il rend visite à l’hôpital, en compagnie d’un médecin de l’établissement, aux malades atteints du choléra qui sévit dans l’île.
Corfou, île de l’Adriatique, à quelques kilomètres des côtes balkaniques, est à l’époque sous contrôle britannique. Ces côtes boisées et quasiment désertes sont très riches en gibiers de toutes sortes. Elles abritent aussi des bandes de bandits de sinistre réputation.
La principale occupation de Pierre, ainsi que celle des militaires en garnison sur l’île et des notables locaux, est la chasse. Nous avons vu que c’est pour lui une véritable passion. Malgré les dangers, il décide, avec quelques amis, d’aller chasser sur les côtes albanaises toutes proches. Tout le monde prend place à bord d’un voilier. On jette l’ancre peu de temps après à quelques encablures de la côte albanaise, ensuite atteinte en chaloupes.
A peine nos chasseurs se sont-ils installés pour pique-niquer sur l’herbe qu’une rumeur se fait entendre dans le bois tout proche. Plusieurs bandits menaçants en surgissent. Ses amis terrorisés sont prêts à se rendre. Mais Pierre _ n’a nullement l’intention de se laisser prendre en otage, au risque de se faire tuer. Sans perdre son sang-froid, il saisit son fusil resté à portée de main. Puis, lorsque les bandits sont assez proches pour que les plombs des cartouches « fassent balle », il tire sur les deux premiers. Ceux-ci s’écroulent, mortellement atteints.
Profitant de la débandade des agresseurs, Pierre et ses amis sautent dans les chaloupes. A force de rames, ils atteignent sains et saufs leur voilier sous la fusillade des autres bandits accourus prêter main-forte à leurs acolytes. Cette affaire, qui sera même évoquée plus tard au procès de Tours, fait grand bruit. Les autorités de Corfou « conseillent » à Pierre de quitter l’île au plus tôt. Ce qu’il fait. Mais à partir de ce moment, il aura toujours présent à l’esprit qu’un danger le menace. Il pense que n’importe où, n’importe quand, il peut être la cible d’un bandit albanais voulant venger ses complices. Toujours sur ses gardes, il sera constamment armé, même chez lui.
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Le révolutionnaire de 1848 devient le cousin du Président de la République
La Révolution de 1848, et plus encore le rétablissement de l’Empire ouvrent une nouvelle étape dans la vie de notre héros. Mais il ne parviendra jamais à occuper des fonctions dignes de ses qualités profondes.
Pierre n’a trouvé à employer son énergie au service d’aucune puissance. Après son départ de Corfou, il séjourne en Angleterre. Il y rencontre la jeune Française Rose HESNARD, qui sera sa compagne pendant quatorze ans.
Avec elle, il quitte l’Angleterre pour la Belgique. Il s’installe dans les Ardennes belges, à Mohimont, dans une petite ferme perdue en pleine forêt. Là il passe le plus clair de son temps à chasser. Cette vie rurale durera une bonne dizaine d’années.
Commandant dans la Légion Etrangère
Le 26 février 1848, dès le début de la Révolution qui chasse Louis-Philippe, Pierre – au risque de se faire arrêter -, rentre précipitamment à Paris. Il se met aussitôt à la disposition du Gouvernement Provisoire. Louis BLANC, l’anarchiste, lui adresse une lettre pour lui annoncer sa nomination au grade de Commandant à titre étranger dans la Légion Etrangère. Il termine la lettre par ces mots :
« Le Gouvernement Provisoire vient de vous donner une marque de confiance qu’en ma qualité de Corse, je suis heureux de vous annoncer.
Salut et Fraternité. Le 15 avril 1848
Louis BLANC Membre du Gouvernement Provisoire. »
Pierre profite de cette nomination – assortie d’un congé illimité en raison de l’absence d’un poste vacant – pour se présenter aux élections du 23 avril. Il est élu dans deux départements, la Corse et l’Ardèche.
Il choisit de représenter la Corse, et malgré l’aimable lettre de Louis BLANC, il se range aux côtés de LAMARTINE contre l’anarchie. Cette élection lui permet de rester en congé à Paris.
A ces élections sont également élus le Prince Jérôme BONAPARTE, fils du Roi Jérôme, et le Prince Lucien MURAT. Louis Napoléon se trouve aussi à Paris en avril 1848, mais, vivement « conseillé », il quitte la France.
Un député « de terrain »
Le 14 avril 1848, LAMARTINE avait adressé un message à Pierre : « Vous savez que j’ai … pour vous un sentiment que vous m’avez permis d’appeler un sentiment de famille. Le moment est propice pour vous immortaliser après tant d’exils ».
Nous sommes donc en présence d’un élu princier de la République, ami de LAMARTINE, assez éloigné de la franche canaille que décrira plus tard une certaine presse !
Aux élections complémentaires du 4 juin 1848, Louis-Napoléon, qui s’est présenté, est élu dans quatre départements.
Le 12 juin à l’Assemblée, LAMARTINE, qui n’avait pas vu d’un bon œil la montée en popularité de Louis Napoléon, décide que le décret de bannissement contre ce dernier doit être maintenu (alors que Pierre, Jérôme, et Lucien MURAT ont été validés et siègent).
Malgré son amitié pour LAMARTINE, Pierre, qui se sent visé à travers les BONAPARTE, monte à son tour à la tribune : « Représentants du peuple, je suis sûr que je suis républicain de père en fils… Si la République était attaquée par des réactionnaires ou par des anarchistes, je suis également prêt à me porter au premier rang de ses défenseurs ! » Pierre est applaudi et l’élection de Louis-Napoléon validée. Celui-ci démissionnera, mais il peut désormais rentrer en France. Ainsi peut-être, sans Pierre, Louis Napoléon ne serait-il jamais devenu Napoléon III !
Le 23 juin 1848, aux côtés de LAMARTINE, il participe à la prise de la très importante barricade du Faubourg du Temple (une balle tuera son cheval sous lui). La prise de cette barricade met pratiquement fin à l’insurrection qui se termine le 26 juin. Le soir du 23, il dîne chez le poète.
Après sa démission, Louis-Napoléon se présente aux élections complémentaires du 17 septembre 1848. Il est très bien élu dans cinq départements, et rentre à Paris. Il devient enfin Président de la République, le 10 décembre 1848.
A compter de ce moment, les rapports de Pierre et Louis-Napoléon, qui avaient été bons, se dégradent… Le Président se méfie de Pierre, et fait tout pour l’éloigner.
Baroud en Algérie
Pierre, incité par le Président et ses ministres, décide de partir en mission – en tant que commandant dans la Légion étrangère – dans le sud algérien, à Zaatcha, dernière poche de résistance à la colonisation française. Arrivé en Algérie le 9 octobre 1849, il se bat héroïquement quinze jours après à Zaatcha, à la tête d’une troupe de 400 hommes dont 200 légionnaires. Il met en déroute un fort contingent rebelle.
Son comportement au feu lui vaut les chaleureuses félicitations de son chef, le colonel CARBUCCIA ainsi que celles du Général HERBILLON, commandant le secteur.
Une lettre du Gouverneur de l’Algérie l’autorise à se rendre à Paris. Considérant que sa présence à la Légion n’est plus indispensable _, il regagne la France en s’embarquant à Philippeville pour Marseille le 8 novembre 1849. Il aura passé un mois en Algérie. Son retour est vivement critiqué à la Chambre par ses collègues de l’opposition qui crient à la désertion…
Pierre ne prend aucune part au coup d’Etat du 2 décembre 1851, immobilisé par une chute de cheval qui lui a cassé une jambe.
Malgré ses idées démocratiques, il refuse de suivre certains de ses collègues députés qui voulaient s’opposer au Coup d’Etat. Il soutient son cousin par esprit de famille.
Le 11 décembre 1851, il demande et obtient l’autorisation de port d’arme.
Mais le Président s’éloigne de plus en plus de Pierre et lui refuse toute intégration dans l’armée et tout emploi dans l’administration.
Pierre est d’autant plus découragé que sa compagne Rose vient de mourir au début de 1852. Malgré son immense chagrin, Pierre se console quelques mois plus tard. En effet, il épouse secrètement Justine Eléonore Nina RUFFIN, 19 ans, fille d’un ouvrier fondeur de cuivre. Le mariage de Lucien avait causé un conflit avec Napoléon Ier. L’union de Pierre en causera un autre avec Napoléon III, pour les mêmes raisons. Mais elle durera toute sa vie.
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En Corse
Retiré en Corse dans la région de Calenzana, il y occupera plusieurs fonctions électives. Et c’est durant cette période qu’il fera édifier de ses deniers la fameuse fontaine.
En avril 1852, Pierre, désappointé, part pour la Corse où il sera élu Conseiller Général. Il s’installe avec Nina à Grotta Niella, à 4 kilomètres de Calvi.
Avant son départ, le ministre de la Justice lui propose de convaincre le cruel bandit SERAFINO, qui terrorise la région de Calvi, d’accepter un passeport pour l’Amérique. Cette mission lui convient parfaitement, mais le bandit refuse. Il sera abattu par les gendarmes quelques temps après avoir assassiné un ami de Pierre, maire d’un village voisin. Après cet assassinat, Pierre n’avait pas accordé le passeport que le bandit était revenu lui quémander.
Le climat de Calvi ne convenant pas à Nina, Pierre achète un terrain à Lutzibeu, sur le territoire de Calenzana, à 10 kilomètres au sud de Calvi. Il y fait construire une maison de chasse, près des ruines d’une tour génoise – la « Torra Mozza » – qui domine la baie de Crovani.
Villégiature à Calenzana
Il loue également une chasse dans les environs et achète dès qu’il le peut 25 hectares qu’il met en culture. En novembre 1852, après avoir emménagé dans sa maison, il part rejoindre Nina à Paris. C’est le moment où Louis-Napoléon BONAPARTE est proclamé Empereur des Français. C’est le moment aussi où Napoléon III épouse Eugénie de MONTIJO. Pierre est invité en qualité de témoin. Il signe le registre, mais ne voit pas les mariés. Le lendemain 30 janvier 1853, le mariage religieux est célébré en grande pompe à Notre Dame. Pierre n’est pas invité.
Quelques jours plus tard Pierre, humilié et déçu, repart pour la Corse où il s’installe à Lutzibeu avec Nina. Dans ce site sauvage où il passera plusieurs années, Pierre semble avoir été très heureux. Dans cet endroit rêvé pour la chasse, il retrouvera de nombreux amis, parmi lesquels Olinthe BONACORSI, « u sgio Lintu ». Ce riche propriétaire terrien calen-zanais, dernier descendant d’une illustre famille florentine, l’a certainement reçu plusieurs fois à Calenzana dans sa magnifique demeure seigneuriale entourée d’un grand parc. Un autre de ses amis est Monsieur BIANCONI, un vieux capitaine maire de Calenzana. Il lui est tout dévoué.
Nina l’accompagne souvent à la chasse dans des conditions très pénibles. En son absence et malgré son amour pour elle, Pierre, coureur de jupons, disparaît assez fréquemment derrière un bosquet avec une jeune paysanne. De ces escapades naîtront plusieurs enfants illégitimes, qui deviendront de bons petits Calenzanais…
Ses séjours en Corse furent certainement les plus agréables de Pierre. Plus tard – en 1864 – il rendra un vibrant hommage aux calenzanais en publiant un court récit accompagné d’un poème épique sur « La bataille de Calenzana ».
Où on en revient à la fontaine…
Il répondait ainsi à l’attachement des calenzanais et des habitants du canton qui votèrent pour lui à une très forte majorité – surtout à Calenzana – lors des législatives du 7 juin 1863. Mais Napoléon III ayant fait opposition à sa candidature, le candidat officiel ABBATUCCI fut élu. Pierre, bien que déçu une nouvelle fois par l’Empereur, lui écrit le 10 juin 1863 :
« Je constate ma position hybride, qui fait de moi une espèce de paria, un Masque de Fer du XIXème siècle. Je ne suis ni Prince, ni citoyen, ni électeur, ni éligible, ni apte à exercer des fonctions publiques quelconques ou une industrie qui assure mon avenir. »
Cependant, il accepte en juillet 1864 la présidence du Conseil Général de la Corse. Après avoir passé l’été de cette année à Lutzibeu, il quitte définitivement la Corse pour la Belgique. Il confie en partant à son vieil ami le capitaine BIANCONI la gestion de ses propriétés.
Il n’oublie pas pour autant ses chers Calenzanais qui lui ont si souvent manifesté leur sympathie en leur offrant la belle fontaine publique qu’ils désiraient tant.
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Le meurtre de Victor NOIR
Nous avons vu qu’à Canino, l’éducation de Pierre a été assurée par deux religieux, mais aussi par des bergers et des militaires.
Des premiers, il a reçu une bonne formation générale, en particulier le goût des lettres. Il écrira notamment un livre sur Sampiero CORSO en 1860, ses Souvenirs en 1876, et plusieurs poèmes.
Un homme de lettres qui a le sens de l’honneur
Des bergers et des militaires, il reçut l’amour des armes et de la nature. Mais, surtout des anciens des armées napoléoniennes, l’amour de l’ordre et le respect de la parole donnée. Il vouera entre autres un véritable culte à Napoléon Ier, et défendra l’honneur des BONAPARTE en toutes circonstances, malgré son peu d’enthousiasme pour son cousin Napoléon III.
C’est ainsi qu’il entretiendra une polémique avec deux journaux d’opposition : « La Revanche », créé par Monsieur Louis TOMMASI, bâtonnier de l’ordre des avocats près la Cour de Bastia, et « La Marseillaise », paraissant à Paris, et dont le rédacteur en chef est un aristocrate, le marquis de ROCHEFORT-LUÇAY, dit « Henri de ROCHEFORT ».
Nous sommes à la fin de 1869. Le régime impérial autoritaire a fait place à un régime plus libéral, qui permet à la presse d’opposition de relever la tête.
Les deux journaux cités publient des articles de plus en plus violents contre l’Empereur et son Gouvernement, et surtout contre la famille BONAPARTE en général. Leur programme affiché est de « faire sauter l’Empire » et chacun de leurs articles se termine par « un appel à l’insurrection ».
Les polémiques du temps étaient violentes…
Pierre répond à ces journalistes dans « L’Avenir de la Corse », dirigé par Jean de La ROCCA – corse et bonapartiste – qui paraît à Paris. Très rapidement, le ton monte, les injures pleuvent. On en arrive en quelques jours, de part et d’autre, à des menaces de mort qui se concrétiseront par des provocations en duel.
Le 20 décembre 1869, Jean de La ROCCA écrit un article très élogieux sur Napoléon Ier. Pierre lui adresse une lettre de remerciements que publiera l’« Avenir de la Corse » du 30 décembre. Cette lettre très violente mettra le feu aux poudres. Pierre y écrivait :
« Vous me demandez mon appréciation sur votre article…
Je pourrais multiplier les faits propres à faire battre le cœur de tous les enfants de la vieille Cyrnos… Mais pour quelques malheureux furdani _ de Bastia… que de vaillants soldats, d’adroits chasseurs, de hardis marins, de laborieux agriculteurs la Corse ne compte-t-elle pas qui les eussent déjà mis « le stentine per le porrette » si on ne les avait retenus.
Laissons ces vittoli à l’opprobre de leur trahison…
Malgré les escargots rampant sur le bronze pour le rayer de leur bave, l’auréole du grand homme ne sera point ternie. »
Louis TOMMASI dans « La Revanche » du 3 janvier 1870 répond sur un ton tout aussi violent :
« La Renommée aux mille voix nous avait appris déjà les brillants faits et gestes de M. Pierre-Napoléon BONAPARTE, mais nous n’avons jamais pu apprécier comme aujourd’hui les fleurs de sa rhétorique…
Non, ce Prince n’est pas Corse…
Il traite de mendiants (furdani)… il qualifie de traîtres (vittoli)… des citoyens…
Nous sommes des traîtres à notre pays, nous qui en 1848 avons eu la naïveté de croire à la sincérité des professions de foi des BONAPARTE ! »
… et se terminaient souvent sur le pré !
Dans le numéro suivant, il publie la profession de foi de Pierre de mars 1848. Surtout, il charge son représentant à Paris de relever le défi et de « demander réparation au Prince, ce qu’aucun homme d’honneur ne peut refuser dans ces circonstances ». Ce représentant de « La Revanche » est Pascal GROUSSET, âgé de 25 ans, journaliste corse né à Corte, cofondateur du journal.
Lorsque Pierre prend connaissance de ces articles, le 8 janvier, il décide de provoquer en duel Monsieur TOMMASI. Il demande à ses amis Jean de La ROCCA et Paul GRANIER de CASSAGNAC, rédacteur en chef du « Pays », d’être ses témoins. Ceux-ci acceptent et rédigent une lettre qu’ils signent et expédient aussitôt à Bastia.
Le dimanche 9 janvier, Pierre reçoit à déjeuner des amis. Il lit un article dans « La Marseillaise » du même jour, signé Ernest LAVIGNE, où les BONAPARTE, et Pierre en particulier, sont traînés dans la boue : « Grattez un BONAPARTE et vous verrez apparaître la bête féroce… ».
C’en est trop pour Pierre qui écrit sur-le-champ une lettre où il provoque Henri ROCHEFORT. Puis il demande de nouveau à ses amis La ROCCA et CASSAGNAC d’être ses témoins.
Dans cette lettre à ROCHEFORT – chef des opposants aux BONAPARTE – plutôt qu’à LAVIGNE qui a signé l’article, Pierre écrit :
« Après avoir outragé chacun des miens et n’avoir épargné ni les femmes ni les enfants vous m’insultez par la plume d’un de vos manœuvres. C’est tout naturel, mon tour devait arriver. Seulement j’ai peut-être un avantage sur la plupart de ceux qui portent mon nom : c’est d’être un simple particulier, tout en m’appelant BONAPARTE.
J’apprends en effet par le journal que vos lecteurs vous ont donné le mandat impératif de refuser toute réparation d’honneur et de conserver votre précieuse existence…
Si donc par hasard vous consentez à tirer les verrous protecteurs qui rendent votre honorable personne deux fois inviolable, vous ne me trouverez ni dans un palais ni dans un château. J’habite tout bonnement 59, rue d’Auteuil ; je vous promets que si vous vous présentez on ne vous dira pas que je suis sorti. »
Il remet cette lettre à son maître d’hôtel qui va la poster et dit à ses amis : « Si ROCHEFORT m’écrit pour me désigner ses témoins, je vous préviendrai par télégramme. »
Les évènements se précipitent
Voilà Pierre avec deux duels en perspective, l’un avec TOMMASI – croit-il _ – et l’autre avec ROCHEFORT. Par un incroyable concours de circonstances, en quelques heures à peine, tout va basculer. En effet, sans en avertir ROCHEFORT, GROUSSET va relever le défi adressé à TOMMASI. Il demande le lundi matin 10 janvier 1870 _ à ses collègues Ulrich de FONVIELLE et Victor NOIR d’être ses témoins. Ceux-ci se présentent le plus tôt possible chez le Prince, en tout début d’après-midi.
Or, ce même matin, ROCHEFORT lit la lettre de Pierre. Sans hésiter, il charge les journalistes MILLIERE et Arthur ARNOULD de se rendre chez le Prince pour lui demander réparation par les armes.
Ces témoins font diligence. Ils arrivent au 59, rue d’Auteuil au moment même où FONVIELLE sort en criant « A l’assassin ! », suivi immédiatement de Victor NOIR qui s’effondre sur le trottoir, mortellement blessé. Comment cela a-t-il pu se produire ?
Pierre, ce jour-là, était fatigué. Il avait reçu le matin la visite de son médecin, le Docteur MOREL qui devait repasser dans l’après-midi, et se reposait dans sa chambre. Vers quatorze heures, une domestique lui présente les cartes de visite de deux Messieurs qui viennent de sonner. Pierre ne connaît pas ces hommes. Croyant qu’il s’agit des témoins de ROCHEFORT, il demande à sa domestique de les faire attendre au salon.
Celle-ci retourne vers les visiteurs qui sont déjà devant la porte du salon. Victor NOIR lui demande : « Il est là, le Pierre BONAPARTE ? » en montrant la porte du salon. « Le Prince va venir » répond la jeune femme, et elle se retire.
Tous deux pénètrent dans la pièce. Ils ont gardé leur chapeau sur la tête et restent debout. Pierre, qui a passé une jaquette, arrive peu de temps après au salon. Il remarque aussitôt l’air provoquant de ses visiteurs.
FONVIELLE s’adresse au Prince : « Nous venons de la part de Pascal GROUSSET, remplir une mission que cette lettre vous expliquera » et il tend la lettre suivante à Pierre :
« Paris, le 9 janvier 1870
A Messieurs Ulrich de FONVIELLE et Victor NOIR,
rédacteurs de La Marseillaise
Mes chers amis,
Voici un article récemment publié avec la signature de M. Pierre-Napoléon BONAPARTE, et où se trouvent, à l’adresse des rédacteurs de La Revanche, journal démocratique de la Corse, les insultes les plus grossières.
Je suis l’un des rédacteurs fondateurs de La Revanche, que j’ai mission de représenter à Paris.
Je vous prie, mes chers amis, de vouloir bien vous présenter en mon nom chez M. Pierre BONAPARTE, et lui demander la réparation qu’aucun homme de cœur ne peut refuser dans ces circonstances.
Croyez-moi, mes chers amis, entièrement à vous.
Pascal GROUSSET »
Pierre jette un rapide coup d’œil sur ces quelques lignes. Outré par le nom du signataire « GROUSSET » alors qu’il attendait « ROCHEFORT », il lance : « Avec ROCHEFORT volontiers, avec un de ses manœuvres non !
L’affaire aurait pu en rester là, mais Victor NOIR lui enjoint alors, d’un ton insultant :
– Lisez donc cette lettre !
– Elle est toute lue, en êtes-vous solidaire ? » répond Pierre.
Le drame
A ce moment, tout s’enchaîne très rapidement. Victor NOIR, qui est grand et d’une force peu commune, s’avance vers lui et frappe violemment Pierre au visage.
Sous le choc et l’affront, Pierre recule de quelques pas. Sa main droite se trouvait dans la poche de son pantalon depuis le début de l’entretien. Il en sort un revolver qui s’y trouvait en permanence, et tire sur Victor NOIR. Celui-ci, atteint à la poitrine, quitte la pièce assez rapidement.
Cette version du drame, que nous reproduisons et qui a été retenue par la Haute Cour est celle de Pierre. Elle diffère évidemment de celle de FONVIELLE, mais nous n’avons pas à en juger ici.
Pendant cette scène rapide, FONVIELLE sort de la poche de son vêtement un pistolet qu’il tente vainement d’armer. Pierre lui tire dessus sans l’atteindre. FONVIELLE s’enfuit, mais dans sa fuite il se retourne pour viser Pierre, qui fait feu une nouvelle fois. Heureusement, la balle ne fait que traverser son habit. Le fuyard se précipite vers la rue, son pistolet encore à la main, en criant « A l’assassin ! ».
Personne dans la maison n’a fait attention aux coups de feu. En effet, Pierre a l’habitude de tirer de sa fenêtre sur une cible placée dans le jardin. Dans les minutes suivantes, le docteur MOREL arrive, comme convenu le matin, pour examiner son patient. Pierre lui raconte brièvement ce qui s’est passé. Puis, inquiet pour la vie d’un de ses visiteurs, il lui dit : « Je crois qu’on dit dans la rue qu’un de ces Messieurs est mort. Avant de vous occuper de moi, allez voir s’il n’y a pas quelques soins à lui donner ».
Le docteur MOREL se rend à la pharmacie, devant laquelle la foule commence à grossir. Il y rencontre le Docteur PINEL, qui, sur ordre du commissariat, est déjà là et a constaté le décès. Il demande à son confrère, qui y consent, de venir constater les traces de violences que présente le Prince. Ces précautions se révèleront de la plus haute importance lors du procès.
L’Empire menacé
Jugeant que Pierre ne s’enfuirait pas, le commissaire de police TERRIEN ne l’avait pas arrêté. Après son départ et celui des médecins, MILLERE et ARNOULD, les témoins de ROCHEFORT, arrivent en voiture. Apprenant que Pierre avait été laissé en liberté, ils exhortent la foule à enfoncer la porte. Heureusement, celle-ci est gardée par des agents qui s’y opposent. En effet, Pierre et Nina, armés, sont prêts à faire feu sur quiconque entrerait de force.
Le commissaire ROIDOT, du quartier d’Auteuil, arrive et dit à Pierre qu’il l’arrête sur ordre du Préfet de Police PIETRI. Il le conduit à la Conciergerie où il sera interrogé le soir même jusqu’à deux heures du matin. Il y restera jusqu’au 20 mars 1870. Apprenant ces événements, le Garde des Sceaux, Emile OLLIVIER, en informe Napoléon III. Tous deux sont accablés.
Pierre a demandé à être jugé par une Cour d’Assises ordinaire _. Il passera toutefois devant la Haute Cour. Un décret de 1853 le prévoyait en effet pour certains dignitaires et les membres de la famille Impériale. Dès le lendemain, le Journal Officiel publie un décret signé de Napoléon III et d’Emile OLLIVIER, convoquant la Chambre de mise en accusation de la Haute Cour de justice. Le 19 janvier 1870 enfin, un décret Impérial convoquait la Chambre de jugement de la Haute Cour de justice pour le lundi 21 mars 1870 à 11 h 00 au Palais de Justice de Tours.
La presse d’opposition se déchaîne contre Pierre et surtout contre le régime. En outre, les obsèques de Victor NOIR le 12 janvier furent l’occasion de manifestations de masse qui manquèrent dégénérer. Les journaux, par de virulents articles, avaient réussi à attirer une foule considérable. Cent mille personnes ou plus, surtout des ouvriers, vinrent de tous les faubourgs.
Les autorités avaient interdit au convoi funèbre de traverser Paris. Alors que l’opposition demandait que Victor NOIR soit inhumé au Père Lachaise, elles avaient exigé le cimetière de Neuilly _. Des scènes violentes opposèrent les leaders qui haranguaient la foule. Les uns incitent à traverser Paris malgré l’interdiction, les autres – dont ROCHEFORT – plus modérés, à aller à Neuilly.
Au cours de ces affrontements, certains allèrent même jusqu’à dételer les chevaux du corbillard. Dans une cohue indescriptible le cortège finit par se diriger vers Neuilly. Des irréductibles voulurent quand même traverser Paris. Ils profitèrent de cet enterrement et de l’émotion qu’avait soulevé le décès de Victor NOIR pour improviser une journée révolutionnaire.
Mais Napoléon III et Emile OLLIVIER avaient pris d’importantes mesures de sécurité. Toutes les forces de police ainsi que plusieurs régiments d’infanterie et de cavalerie étaient massés sur les Champs Elysées. Lorsque l’immense cortège y arriva, il se dispersa sans trop de mal devant un régiment de hussards. Prêt à charger sabre au clair, celui-ci avait pris position à la hauteur du Rond-Point.
Victor NOIR repose aujourd’hui au Père Lachaise. Sa tombe y est surmontée du gisant représenté ici.
* * *
Le Prince devant la Haute Cour : acquitté !
Le meurtre de Victor NOIR conduit Pierre devant la Haute Cour de Justice, comme l’exige son rang. Malgré la vindicte et l’acharnement de certains, il y retrouvera son honneur.
Le 20 mars 1870 vers dix-neuf heures, Pierre quitte la Conciergerie. En gare d’Orléans, il monte dans un compartiment du train Bordeaux Express. Il arrivera à Tours à une heure du matin.
Pierre est immédiatement conduit au pénitencier où il logera dans deux des pièces réservées au Directeur. Nina avait rendu visite régulièrement à Pierre pendant sa détention de plus de deux mois à la Conciergerie. Elle était arrivée à Tours l’avant-veille avec ses enfants Roland et Jeanne. Par discrétion, elle n’assistera pas au procès.
Au Palais de Justice de Tours
La salle d’audience est très grande, de plafond haut. Sur l’un de ses petits côtés se trouve une rotonde assez vaste. On y remarque un Christ de dimensions imposantes.
La Cour est constituée de quatre juges et du Président, M. GLANDAZ. Un tirage au sort a désigné les trente jurés, parmi les Conseillers Généraux de toute la France.
Les avocats de Pierre : Maître LEROUX, vieil ami de l’accusé, et un jeune avocat qui plaidera pour la première fois.
Un autre avocat, Maître LAURIER, avait proposé en vain ses services à Pierre. Il sera l’avocat le plus agressif de la partie civile.
Dans la salle se presse un nombreux public que le service d’ordre a du mal à contenir.
L’audience est ouverte à onze heures trente. Pierre apparaît, accompagné d’un capitaine de gendarmerie. Il porte un habit noir avec à la boutonnière la rosette d’Officier de la Légion d’Honneur. Tout dans son attitude montre un homme prêt à se défendre. Il prend place dans le box des accusés, situé à la gauche du Président. Au-dessus de lui, un portrait en pied plus grand que nature de Napoléon Ier tenant à la main le Code Civil est accroché au mur. Trois autres portraits de même dimension, représentant des magistrats célèbres, sont également accrochés de part et d’autre.
Le procès commence par l’interrogatoire de Pierre, qui décline son identité. Puis, le greffier lit l’acte d’accusation. Il contient la version de Pierre et celle de FONVIELLE, complètement divergentes.
Le procès est émaillé d’incidents, souvent dus à l’intervention de Pierre lors de l’interrogatoire d’un témoin.
Ainsi, lorsque le Président pose la question rituelle à GROUSSET : « Etes-vous parent ou allié de l’accusé ? », celui-ci répond d’une voix faible : « Madame Laetizia a eu trop d’amants pour que je puisse assurer qu’il n’est pas mon parent. » Pierre, offusqué par ces propos qui portent atteinte à la mémoire de sa grand’mère qu’il chérissait, se dresse et lui lance : « Je n’ai pas bien entendu, mais vous êtes un misérable ! »
A MILLERE, témoin de ROCHEFORT qui reconnaît avoir eu sur lui un pistolet – qu’il considérait comme une « arme défensive » -, Pierre réagit, en disant : « Les armes défensives sont les cuirasses et les casques. » FONVIELLE gesticule et le traite d’assassin. Il sera expulsé de la salle. Pierre lui oppose, en se dressant, une attitude de défi. ROCHEFORT purge une peine de prison de six mois pour outrage envers l’Empereur et à magistrats. Il arrive entre deux gendarmes. Son interrogatoire n’apportera aucun élément nouveau.
L’audition des nombreux témoins à charge et à décharge durera plus de 48 heures, et le procès se prolongera jusqu’au samedi 26 mars. Dans sa longue plaidoirie, Maître LAURIER, celui-là même qui avait proposé ses services à Pierre, conclut : « Victor NOIR a été jugé déjà par le peuple. Le jour de ses funérailles, une faction qui s’appelle deux cent mille citoyens l’a accompagné à sa dernière demeure ! »
Les débats tournent à la confusion de la partie civile…
Le lendemain, après une brillante plaidoirie de Maître LEROUX, défenseur de Pierre, le très jeune et second avocat de la défense, Maître DEMANGE _, termine son exposé, qui se veut bref, en s’adressant aux jurés, tous Conseillers Généraux : « Je suis confiant, parce que le sort de Pierre BONAPARTE est entre les mains des Français, qui ont du courage et qui n’ont nul souci du prétendu verdict de deux cent mille jurés… même vous, les Hauts Jurés de la France entière vous direz qu’il n’est point coupable. »
A la première question posée au jury « Le Prince Pierre-Napoléon BONAPARTE est-il coupable d’avoir, le 10 janvier dernier, à Auteuil – Paris, commis un homicide volontaire sur la personne d’Yvan SALMON, dit Victor NOIR ? », la réponse est NON.
La légitime défense étant ainsi reconnue, Pierre est acquitté.
Il rejoint l’hôtel Univers, à 100 m du Palais de Justice, où se trouvent Nina et les enfants. De la fenêtre de sa chambre il salue les gens qui l’acclament, et dit à Nina : « Tu vois, c’est le peuple qui m’acquitte ». Dans la nuit, avec sa famille, il part pour Paris.
Bien qu’acquitté, Pierre est condamné à payer 25 000 F _ à titre de dommages et intérêts aux SALMON, eux-mêmes condamnés aux dépens du procès criminel.
Toujours très généreux, il donnera en outre 20 000 Francs pour les pauvres de Tours.
… mais la presse d’opposition ne désarme pas.
Le lendemain, « La Marseillaise » publie à la Une les résultats du procès :
Pierre BONAPARTE acquitté
Victor NOIR dans la tombe,
Ulrich de FONVIELLE est en prison,
Pascal GROUSSET est en prison,
Henri ROCHEFORT est en prison,
MILLIERE, RIGAUD, BAZIRE
sont en prison ;
Pierre BONAPARTE est acquitté.
Napoléon III, dont le régime est sérieusement attaqué de toutes parts demande à Pierre de quitter Paris pour éviter des troubles éventuels. Mais celui-ci refuse, car il ne se sent pas responsable de la mort de Victor NOIR, qu’il a tué en état de légitime défense.
* * *
La fin
La chute de l’Empire prive Pierre de son statut et de ses ressources. Il finira misérablement sa vie, malade et ruiné. Seul le mariage de son fils lui apportera une dernière lumière.
Malheureusement des bruits de bottes commencent à se faire entendre en Europe et la guerre contre la Prusse commence quelques mois après, le 19 juillet 1870. Pierre propose alors ses services pour défendre la Patrie, à l’Empereur et quelques jours plus tard à l’Impératrice, sans succès.
Dépité, il quitte la France le 20 août pour la Belgique, où il arrive le 21 août à Rochefort. Le 1er septembre c’est le désastre de Sedan et la capitulation. Ayant appris que le train qui conduit l’Empereur prisonnier vers la Prusse doit faire halte le 4 septembre dans la petite gare belge de JEMELLES, non loin de Rochefort, il s’y rend, accompagné de son fils Roland. C’est dans ce train que les deux cousins s’entretiendront quelques instants. Ils ne se reverront plus.
Le Prince ruiné par la chute de l’Empire…
Mais la chute de l’Empire prive Pierre de son allocation _. Il est contraint de vendre ses immeubles de Bruxelles sous la pression de très nombreux créanciers. A Paris, la maison d’Auteuil, qui avait été épargnée par les Prussiens, est pillée et incendiée par les communards. En Corse, la maison de Lutzibeu est également incendiée et détruite pendant la même période.
Pierre, qui a été et reste très généreux, est ruiné.
Il se marie une nouvelle fois à la légation de France à Bruxelles. Ce mariage, qui est légitime sous la République Française permet à Nina de porter le titre de Princesse Impériale tant souhaité et permet surtout à leurs enfants Roland et Jeanne d’être légitimés. Nina part alors à Londres ouvrir un magasin de mode. Ce sera un échec complet.
En 1873, Pierre et Nina vivent désormais séparés, dans la misère. Pierre est en Belgique, avec Adèle DIDRICHE, sa servante et maîtresse, Nina à Paris avec les enfants. Depuis deux ans, Pierre qui est diabétique et souffre de rhumatismes voit son état empirer rapidement. Son corps se couvre de plaies. Seule la morphine que lui prescrivent généreusement ses médecins le soulage.
… devient un grand malade.
Autorisé à rentrer en France, il quitte la Belgique pour Versailles en août 1877. Avec Adèle, il s’installe dans un petit hôtel tenu par un Corse, M. RAFFALLI, qui oublie souvent de présenter ses notes.
Très diminué physiquement et intellectuellement, en particulier à cause des fortes doses de morphine qu’il utilise, il essaie de se sortir de la misère en sollicitant divers chefs d’Etat ou de gouvernement. C’est ainsi qu’il reçoit des secours du Maréchal Mac-Mahon et du roi d’Italie Victor-Emmanuel, entre autres.
Le « beau mariage » de Roland
Un véritable miracle financier se produit lorsque Roland, jeune lieutenant sorti de Saint-Cyr, épouse Marie BLANC, fille du richissime propriétaire du Casino de Monte-Carlo, le 17 novembre 1880. Pierre, pratiquement grabataire, ne peut assister au mariage. Roland règlera alors les dettes des ses parents et assurera une pension à son père.
Cet homme d’action, courageux, intrépide et généreux, ne faisant aucune concession pour tout ce qui touche à son honneur, sera sa propre victime. Lui qui « avait rêvé mourir sur un champ de bataille » s’éteindra le 8 avril 1881 après une longue agonie, entouré de Nina, de ses enfants, et d’Adèle, sur son matelas. On l’avait posé à même le sol à sa demande puisqu’« un soldat ne doit pas mourir dans son lit ».
Il repose depuis au cimetière de Versailles.
* * *
Un « Prince corse »…
Le biographe et ami de Pierre, M. Jean de La ROCCA, nous le décrit comme un homme « spirituel, énergique, hardi, d’une conception rapide, d’une constitution robuste, admirablement doué de toutes les manières, le fils de Lucien, le neveu du grand capitaine, aurait pu rendre, dans les armes et les arts libéraux, d’éminents services à son pays si son origine, au lieu d’être une recommandation, ne s’était dressée devant lui comme un obstacle infranchissable. L’inactivité à laquelle le condamnait sa naissance était pour sa juvénile ardeur un poids insupportable. Il essaya d’en sortir par tous les moyens que l’honneur autorise ».
Cet homme à la fin misérable a aimé la Corse et les Corses, qu’il comprenait et qui le comprenaient.
C’est grâce à sa générosité que les Calenzanais ont bénéficié, parmi les premiers de l’île, des bienfaits de l’eau potable à volonté. Calenzana est probablement la seule localité de France où une place publique porte le nom de ce Prince et où on peut y voir son buste.
Malgré les malheureux évènements qui ont jalonné sa vie tumultueuse, en particulier le meurtre de Victor NOIR, qu’il a profondément regretté, il semble bien mériter le titre que certains lui ont donné, de « Prince corse ».
Le politique – Interventions à la Chambre
Il plaida éloquemment contre l’expédition de Rome, proposant à l’Assemblée de décréter que « l’indépendance des Etats romains était inviolable, et que les troupes françaises ne continuent à les occuper que pour protéger leur indépendance ».
Il demanda l’un des premiers que le droit au travail fût admis en principe dans la Constitution.
Il combattit l’admission des agents de l’ordre administratif, judiciaire ou militaire à la représentation nationale.
Il proposa la diminution des impôts sur le sel.
Il soutint l’élection directe du Président de la République par le peuple.
* * *
Jean TARISSI – Causerie faite à l’« Accademia Corsa » de Nice
NOVEMBRE 2001
Bibliographie
Célia BERTIN – La dernière BONAPARTE
Librairie Académique PERRIN 1982
Prince Pierre BONAPARTE- Souvenirs Imprimerie Fr MATTHYSSENS IXELLLES – BRUXELLES – 1876
Prince Pierre BONAPARTE- La bataille de Calenzana Plon – 1864
Prince Roland BONAPARTE – Une excursion en Corse A compte d’auteur 1891
Jean BRAIRE – Sur les traces des Communards
Guide de la Commune dans le Paris d’aujourd’hui 1989
Alain DECAUX – Létizia – Napoléon et sa mère
Librairie Académique PERRIN – 1974
G FLEURIOT de LANGLE – Les démêlés de Pierre-Napoléon BONAPARTE avec la police du Pape Miroir de l’Histoire – 4 mars 1964
Louis GIRARD – Napoléon III Fayard – 1993
Eugénie de GRECE – Pierre Napoléon BONAPARTE Hachette – 1963
L’Illustration – Le drame d’Auteuil Premier semestre 1870
Jean de La ROCCA – Pierre-Napoléon BONAPARTE « L’Avenir de la Corse » – Paris 1867
Antonello PIETROMARCHI – Lucien BONAPARTE Librairie Académique PERRIN – 1985
Philippe SEGUIN – Louis Napoléon le Grand Grasset Fasquelle – 1990
Le Souvenir Napoléonien – Notices bibliographiques
Alexandre ZEVAES – L’affaire Pierre BONAPARTE (le meurtre de Victor NOIR)
Hachette – 1929