I GHJUANNALI

C’est par le truchement de la tradition orale que s’est fixée dans les esprits l’aventure secrète et passionnante d’une société médiévale Corse dénommée

“ I GHJUANNALI ”.

Le parlé du sud de la Corse n’a retenu qu’un terme “A GHJUANNARA ” pour rappeler ou plutôt caractériser les méfaits plus que l’influence de cette communauté religieuse.

La tradition populaire, de nos jours encore, ne l’évoque que comme synonyme d’orgies et de pratiques nocturnes innommables.

Organisation fondée en 1352 à CARBINI petit village de l’ALTA ROCCA dans la région comprise entre PORTO-VECCHIO BONIFACIO et SARTENE.

Constituée d’hommes et de femmes, “ I GHJUANNALI ” ont marqué l’histoire de la Corse médiévale, par leur engagement spirituel et social, en cette période du milieu du XIV ième Siècle, caractérisée par une souffrance extrême du peuple, exacerbée par les guerres intestines, la famine, la peste et autres maladies.

Pour tenter d’analyser successivement l’origine, l’originalité, les influences, l’évolution et la fin tragique de ce mouvement il faut :

  • Fixer le cadre géographique dans lequel s’est installée et développée cette société ;

  • Rappeler les influences historiques et les croyances dans lesquelles baigne la population corse de l’époque ;

  • Préciser le climat social et religieux médiéval et sa dégradation à la fin de cette période ;

  • Revenir enfin et surtout sur le procès des “GHJUANNALI ”. en analysant d’après les documents de l’Archevêché de PISE, du VATICAN et les écrits des chroniqueurs de l’époque, les raisons de ce procès et l’acharnement à faire disparaître cette société sûrement trop éclairée en cette période troublée, pour répondre à l’interrogation primordiale : les “GHJUANNALI ” étaient-ils ou non des Cathares ?

Monsieur ALEXANDRE GRASSI , fonctionnaire avide de recherches historiques et archéologiques, écrit lors d’une conférence réalisée en 1866:

“ La contrée au centre de laquelle se trouve CARBINI, patrie de nos sectaires, est étrange et imposante. Quelques maisons seulement composent le village autrefois si considérable et dont les chroniqueurs disaient : UNA DELLE TERRE PRINCIPALE DI CORSICA , E DIMORI DI GENTILIUOMINI ”.

En fait CARBINI était le chef lieu d’une importante circonscription territoriale et religieuse dénommée PIEVE et qui s’étendait jusqu’à la mer et au golfe de FIGARI .

Cette circonscription, comme beaucoup d’autres, était à la fois terre de transhumance et lieu de passage obligé. CARBINI se trouvait à la croisée de différentes voies muletières entre l’est et l’ouest d’une part, et l’extrême sud ( a piaghja) et la montagne d’autre part. CARBINI se situait probablement sur les anciennes voies de l’obsidienne ou voies torréennes, voies sacrées chères à WATKINS.

Cette position privilégiée n’enlève rien au caractère sauvage de la contrée, certains auteurs relevant même que ce rassemblement s’est réalisé dans la région de la Corse où les dolmens et les menhirs sont particulièrement nombreux et où se trouve une vaste forêt de chênes séculaires, la forêt d’ORONU.

On peut se demander comment une fraternité a pu exister au Moyen-Age dans ce village reculé, loin de tout couvent.

Il semble que la pieve de CARBINI , bien qu’appartenant au diocèse d’ALERIA , ait été très éloignée du siège de l’Evêché et que toute la région du SARTENAIS ait été privée de la pénétration catholique.

Ce contexte géographique a probablement favorisé l’éclosion du mouvement.

Cet isolement est par ailleurs souligné par l’étymologie même du mot CARBINI qui vient du grec CARBANOS qui signifie l’étranger.

Par ailleurs cette société philisophico-religieuse s’est constituée dans un environnement de misère extrême.

Il faut replacer d’ailleurs cet épisode hérétique dans le cadre économique et sociologique du grand mouvement communal qui embrase à cette époque, avec la Corse, une grande partie du Bassin Méditerranéen.

Il est acquis que les “GHJUANNALI ” furent touchés par le message spirituel qui circulait dans toute l’Europe médiévale provenant du Catharisme et des Fraticelli italiens et languedociens.

Des ordres religieux, opposés à la hiérarchie de l’église se multipliaient, inquiétant les autorités ecclésiastiques romaines .

Ils prêchaient la pauvreté absolue, l’abandon des richesses, le partage, l’humilité.

Leur opposition à la Papauté était totale et le reproche principal fait à ce clergé qu’ils jugeaient cupide et avide était l’accumulation de richesses et son étalement dans un monde de souffrances.

Seul l’ordre franciscain fondé par SAINT FRANCOIS D’ASSISE en 1210 – l’histoire dit qu’il a parcouru la Corse à son retour d’Espagne – dérogeait à la règle et était accepté par les autorités ecclésiastiques.

Par ailleurs la Corse n’échappe pas à l’influence des corporations qui travaillent à la gloire de Dieu.

C’est ainsi que CARBINI bénéficie de l’édification d’un Campanile, séparé des édifices religieux. Réalisé par un maître d’œuvre Maître MATERNATU ( né de la mère) qui était à l’évidence Compagnon – puisque un proverbe corse assure :

MAESTRO MATERNATU tre cose in Corsica a lasciato :

le ponte di Rizzanese, un ponte du Forciolo,

e u campanile di Carbini nominato –

et initié car la légende – secrète – ajoute aussi qu’il possédait un manuscrit intitulé “ le livre des trois écritures ”.

Selon la tradition orale ce clocher aurait comporté sept étages lors de sa construction, puis frappé par la foudre il n’en comporte plus que de trois.

Enfin, les lignes de forces idéologiques présentes en Corse à cette époque étaient :

– l’anti féodalisme, avec la pratique de la TERRE DELLE COMMUNE

et un gouvernement des POPOLARI cher à la république de Gènes,

– l’anti cléricalisme

– les aspirations vers la liberté, par la remise en cause du JUS PRIMAE NOCTIS qui a laissé en Corse la légende d ’ ORSO D’ALAMANU

Il s’y pratique aussi des techniques chamanistes comme le mazzerisme et la magie blanche dont l’importance est indéniable dans la Pieve de CARBINI et dans l’extrême Sud de la Corse, et c’est peut être la raison qui va amener les GHJUANNALI à s’installer à CARBINI .

C’est dans ce contexte que naît la fraternité des “GHJUANNALI ” ; elle est fondée par un Franciscain tertiaire de Marseille en 1352 le Frère Johanne MARTINI, vicaire du révérend père ministre général dans l’île de Corse du tiers ordre de Saint François.

La doctrine sociale et religieuse de la fraternité est basée, comme il a été dit précédemment, sur la pauvreté, l’humilité et le don de soi. Elle prêche la mise en commun de toutes les richesses , est composée de fidèles des deux sexes qui n’appartiennent pas exclusivement à la classe populaire .

En 1863 dans son histoire illustrée de la Corse, l’Abbé GALLETTI présente les “ GHJUANNALI ” comme les modernes saint-simoniens, qui ne forment qu’une seule famille, tous leurs biens étant mis en communauté, proclamant de nouveaux dogmes, avec un culte particulier ; il ajoute que leur costume était bizarre et en menant une vie mystique, ils affectaient des manières ridicules.

L’accent peut être mis aussi sur leur pratique de l’ascétisme et des flagellations, qu’il faut replacer dans le contexte plus large du temps de la grande peste.

Le chroniqueur GIOVANNI DELLA GROSSA établi en 1464 “ qu’ils s’imposaient certaines pénitences à leur manière, ils se réunissaient dans les églises la nuit pour faire des sacrifices et, là, certaines pratiques superstitieuses, après quelques vaines cérémonies, ils éteignaient les flambeaux…. ”.

Prosper MERIMEE , dans son Voyage en Corse, nous apporte des précisions sur l ‘église qui reste à CARBINI. “ d’un beau style roman et de la même couleur que la roche grise du pays, une croix aux branches creuses placée sur le fronton témoigne de la facture pisane ”.

L’auteur de Colomba remarque un motif d’ornementation nouveau : de deux en deux arcades les tympans présentent une cavité hémisphérique. Près de l’abside, et seulement du coté Nord Est , on voit quelques bas reliefs grossiers alternant avec cet ornement singulier et représentant des animaux parmi lesquels on peut reconnaître plusieurs signes du zodiaque… il ajoute “ près de l’église SAN GHJUANNI se dresse telle une sœur jumelle SAN QUILICO ( Saint Cyr ) rasée pendant la croisade contre les “GHJUANNALI ” .

Dans cette dernière un archéologue a retrouvé un zodiaque en bas relief et, sur le dallage de la nef, un curieux cercle soigneusement pavé de petites pierres en serpentine vert sombre.

Selon un auteur, SAN QUILICO était plus un baptistère qu’une chapelle et son édification, comme celle de SAN GHJUANNI serait bien antérieure à l’avènement des “GHJUANNALI ” .

On ne sait rien de plus sur cette société qui bien vite essaima dans toute la Corse et notamment à ALESANI et GHISONI. On se perd également en hypothèses – que nous aborderons plus loin – sur l’origine exacte de leur appellation .

Leur philosophie basée sur la charité et le partage, leur révolte par la demande de distribution des terres et le partage des biens les amènera à ne plus reverser à l’Evêché d’ALERIA l’impôt que chaque Pievan devait prélever auprès de la population administrée.

Cette contestation de leur juridiction naturelle amena à leur excommunication par le prélat ; sur leur appel l’Archevêque de PISE les relève de cette censure en 1354. Sur un nouvel appel, de l’évêque d’ALERIA cette fois, le Pape Innocent VI confirme l’excommunication.

On va désormais représenter les “GHJUANNALI ” comme une secte hérétique, souligner qu’ils préconisent la mise en commun des biens – encore qu’ils ne le fassent que dans le même esprit que les ordres religieux – et conter qu’ils pratiquent de surcroît la communauté des femmes et des enfants et se livrent à des orgies collectives dans les sanctuaires, flambeaux éteints.

Bien entendu tous les registres de l’Inquisition détenus à PISE ne font mention que des faits les plus ostentatoirement opposés au Christianisme “ officiel ”, tout ce qui pouvait l’en rapprocher a été volontairement détruit ou passé sous silence. Les documents écrits sont fort rares lorsque l’on veut retrouver autre chose que des accusations.

En 1362 une mini croisade est levée par le Pape Urbain V contre les “GHJUANNALI ” qui sont massacrés à CARBINI, le village est entièrement rasé y compris la chapelle SAN QUILICO à l’exception de l’église de SAN GHJUANNI et du clocher.

Le massacre a lieu sur un monticule surplombant le village et un proverbe corse témoigne de sa férocité : “ L’ANI STIRPATI COME I GHJUANNALI ”.Cette extermination se poursuit jusque dans le nord de la Corse pendant plusieurs années.

D’après la tradition, c’est au pied des montagnes de GHISONI qu’un groupe des derniers GHJUANNALI aurait été brûlé. Au moment où les bûchers allaient s’embraser, un vieux prêtre ému par la jeunesse et la foi des suppliciés entonna l’office des morts, repris en choeur par la foule, l’écho des dernières paroles de la prière fut répété par les montagnes, baptisées depuis Kyrie Eleison et Christe Eleison en souvenir.

Reste à tenter de répondre à la question fondamentale inspirée par le titre “ accrocheur ” de cette communication : les GHJUANNALI pouvaient-ils être des cathares pour avoir été ainsi systématiquement exterminés ?

Il faut revenir à leur procès initié des 1354 . Le contenu des documents émanant de l’église et l’analyse qui en a résulté de différents historiens laissent la porte entrouverte.

Un premier courant soutient avec force que les GHJUANNALI n’étaient pas des Cathares. C’est actuellement l’opinion émise par le centre d’étude Cathare qui n’y voit qu’une émanation de mineurs spirituels de l’ordre Franciscain qui auraient été sensibilisé aux malheurs du peuple non pris en compte par l’église de Pierre ni par les seigneuries locales.

Un autre auteur, qui relève qu’un bon siècle sépare la fin des uns et celle des autres, ajoute que la distance est encore plus grande entre les doctrines. Pour lui les Cathares, aujourd’hui fort bien connus grâce aux archives de l’inquisition descendent du manichéisme ancien , alors que les GHJUANNALI représentent ce que l’on appelle “la queue de la réforme de Saint François”.

Un autre courant procède d’une conjecture où le cadre cathare est présent . Il s’appuie sur le contenu , certes lapidaire, des documents existants et sur la tradition.

Dans les écrits qui émanent principalement de l’Archevêché de PISE, transparaissent certains traits propres aux cathares :

  • la communauté d’hommes et de femmes

  • l’isolement notamment dans des sites montagneux

  • le port de costumes bizarres

  • la pratique d’une vie mystique

  • l’ascétisme

  • une communauté de vie incluant les biens

  • les flagellations

  • leur façon de se nommer

Diverses théories sont avancées sur ce dernier point. L’une veut que la communauté ait adopté le nom de son fondateur Johanne MARTINI, une autre soutient que c’est eu égard à l’église dans laquelle ils se réunissaient, consacrée à Saint Jean . D’autres enfin, se fondant sur la doctrine cathare, retiennent que le terme GHJUANNALI viendrait du tronc commun Patarins – Albigeois – JOVINIANI parce qu’adeptes de Jean l’Evangéliste – les Cathares portant toujours sur eux l’Evangile de Saint Jean –

Il est aussi probable que référence ait été faite à Giovanni DI LUCIO Chef de la branche albigeoise basée à DESENZANO sur le Lac de Garde.

Deux arguments de poids militent en faveur de la thèse Cathare.

Le premier est tiré d’un écrit de René NELLI – La vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle – qui affirme : “ … après la chute de Montségur (1244) et dans les dernières années du XIIIe siècle, beaucoup de gens ne se trouvant plus en sécurité dans leur patrie, se réfugièrent en Catalogne, en Sicile, à Raguse , en Dalmatie, en CORSE et surtout en Italie.”

Le second émane du contenu même de la bulle Papale du 14 Mai 1372 de Grégoire XI, installant Monseigneur Pierre RAYMOND, évêque de MARIANA, dans les fonctions d’inquisiteur, qui affirme que les personnes contre lesquelles doivent s’exercer les poursuites inquisitoriales sont “ des hérétiques, des croyants, des fauteurs, leurs défenseurs et receleurs. ”

Comment ne pas faire le rapprochement avec les termes bonhommes et croyants utilisés dans l’église cathare, le premier pour désigner des ministres de la religion, le second la masse des fidèles.

Aussi l’on comprend mieux l’excommunication intervenue dés 1353 à l’encontre de RISTORO, Pievan de CARBINI, et de la congrégation . Il est reconnu par l’Evêque “ comme corrupteur du peuple, responsable de réunions superstitieuses et monstrueuses, et enfermé dans de multiples erreurs.

N’apparaît – il pas comme une grande erreur de dire et d’enseigner publiquement pendant trois années devant le peuple que son autorité en vertu de laquelle on établit une secte, est plus grande que l’autorité des Evêques de notre Seigneur le Pape ? Certainement un individu qui affirme de telles choses est un anti pape et tombe dans l’hérésie…

N’apparaît – il pas comme hérétique qu’un homme qui n’a pas encore été ordonné prêtre, prétende absoudre les gens de leurs pêchés comme s’il était. ”

A l’évidence ces dernières lignes indiquent que le Pievan était un “ revêtu ” ou “ un parfait ” cathare, seul capable d’administrer le “ consolamentum ” .

Si on y ajoute comme cela a été vu précédemment, la pratique de nouveaux dogmes, les cultes particuliers, les sacrifices nocturnes dans les églises, les pratiques superstitieuses et les vaines cérémonies flambeaux éteints, on est enclin à suivre Monseigneur MOLLAT pour qui “ ce sont les termes usités dans la pratique inquisitoriale pour désigner les Cathares et leur hiérarchie. ”

Là se trouvent les ingrédients propres à justifier l’excommunication puis l’anéantissement des GHJUANNALI , là peut aussi résider la raison des massacres et des bûchers, la disparition du village de CARBINI et de la seule chapelle SAN QUILICO.

Eléments nécessaires mais pas suffisants pourtant pour justifier l’éradication des GHJUANNALI , car la dimension Cathare n’explique pas tout.

Un aspect particulier semble avoir échappé à l’analyse de tous. Il s’agit en effet de comprendre pourquoi seule la chapelle de SAN QUILICO a été détruite alors que SAN GHJUANNI et le clocher sont demeurés intacts ?

Une réponse peut-être envisagée : située à un carrefour de voies sacrées CARBINI à certainement été construite sur un site préhistorique et a été probablement consacrée à des divinités pré chrétiennes .

Par ailleurs comme nous l’avons vu le mouvement des GHJUANNALI prend naissance au moment de la grande peste et des maladies innombrables qui touchent la population.

Selon les courants dominants de l’époque la recherche du Salut du Corps passe par la recherche du salut de l’Âme et en Corse, notamment dans le sud, l’on avait autrefois à disposition un vaste ensemble de techniques occultes, dont on ne peut plus étudier que quelques survivances.

Dans une prière magique du sud de la Corse , la maladie est appelée MIRACULA, miracle. Pour les corses cela veut dire que la maladie est quelque chose de supra naturel, un mauvais esprit ou un démon que l’on exorcise. La meilleure façon de s’en débarrasser c’est encore de le mettre en présence du sacré. C’est là que SAN GHJUANNI et SAN QUILICO trouvent leur raison d’être accolées à CARBINI.

Au même titre que COME et DAMIEN, St CYR et SAINT JEAN sont inventoriés dans les recueils grecs des Miracles comme des Saints spécialement affectés aux maladies. Ils avaient en Grèce leur sanctuaire à MENOUTHIS (près de CANOPE) où se développaient des rites de magie et de pratiques païennes – notamment l’incubation qui est un procédé qui consiste à se coucher dans un temple ou dans un dortoir annexe à un temple ou dans un lieu sacré pour y obtenir des visions, des songes, recevoir des conseils du dieu, de l’ancêtre, ou ses bienfaits qui seront guérison, prophétie –

C’est probablement en pratiquant ces rites dont le caractère chrétien était pourtant reconnu en Grèce aux IV et V siècles – pour vaincre en les intégrant la réticence des populations à la pénétration de la chrétienté dans les esprits – que les GHJUANNALI furent accusés de pratiques superstitieuses et de cultes particuliers.

De là provient également le mot vulgaire et infamant de GHJUANNARA. Il ne serait en fait que la déformation du traitement magico – religieux de l’épilepsie, appelée en vieux français le haut mal, le mal caduc, le mal Saint Jean qui a donné en Corse u malcadutu et peut être U GHJUANNARU .

Et pour s’en convaincre, on relèvera avec intérêt que les recueils grecs des miracles évoquent le miracle punitif d’un hérétique qui communiant indignement en l’absence de toute foi, meurt après avoir été atteint d’épilepsie.

Le remède ayant été pire que le mal, les GHJUANNALI seront exterminés et le baptistère de SAN QUILICO, dans lequel se pratiquaient les cultes particuliers et l’incubation, rasé.

Comme la tradition, fût – elle orale, est toujours empreinte d’une certaine vérité l’attention sera portée sur l’un des miracles attribué à St CYR et à SAINT JEAN. Il a toujours trait aux cas de chrétiens qui résistent pour abandonner certaines pratiques païennes.

L’un de ces “ miracles ” a consisté à rendre la vue à un païen devenu aveugle en punition de l’émission d’un grognement de volupté qui n’est “ ni d’homme, ni de femme ou d’animal, pas même d’une prostituée dans l’exercice de son métier ”, mais dit un auteur grec, “ comme en produirait un inverti dans la posture la plus obscène et la pratique la plus abjecte ”.

L’association d’idée n’est que trop claire et on y retrouve la même dans le terme A GHJUANNARA .

Tout indique ici l’allégation d’un rite réel ou controuvé de sacrifices païens, qui aurait été solutionné avec l’éradication de ceux qui l’avaient intégré pour le christianiser .

Tout c’est passé comme si, dans cet environnement mental où l’action des GHJUANNALI avait un sens, le christianisme a imposé une clôture, éliminé toute ambiguïté et porté à son achèvement par une mutilation à la fois appauvrissante et sécurisante, un univers qui, dans sa forme première était à double face .

QUAL COSA C’E ( il y a quelque chose) : cette formule si souvent entendue en conclusion de récits ou autres contes fantastiques réfère à une face invisible mais terrestre et naturelle que le christianisme n’a pas voulu voir ou n’a pas voulu reconnaître.

Ainsi le contexte magico – religieux que laisse aujourd’hui la péripétie des GHJUANNALI peut être interprété comme le résultat d’un effondrement qui a laissé à des hauteurs et dans des positions différentes des “ couches ” de symboles , de pratiques et de croyances qui étaient autrefois contiguës et symétriques.

BIBLIOGRAPHIE

ANGELINI J.V. Histoire secrète de la Corse

ARRIGHI P. Le livre des dictons corses

ARRIGHI P. Histoire de la Corse

BRELET- RUEFF C. Les médecines sacrées

CARRINGTON D. Granite Island

DEVEREUX P. The ley hunters companion

ETTORI F. Anthologie des expressions corses

ETUDES CORSES La mort en Corse et dans les sociétés méditerranéennes.

FESTUGIERE O.P. Saint Thècle-Saint Côme et Saint Damien-Saint Cyr et Saint Jean (extraits)- Saint Georges.Collections grecques des miracles.

GALLETTI J.A. Histoire illustrée de la Corse

GRASSI A. Les Cathares corses. Conférence 1866

GREGORI J. Nouvelle histoire de la Corse

GUIDE DE LA CORSE MYSTERIEUSE Rubriques : Carbini – Ghisoni

GUIDE DES DEPARTEMENTS La Corse du Sud

MARCELLESI M.G. Contra salvatica

MOLLAT G. Mgr Les Cathares en Corse.Conférence Académie des Inscriptions et Belles Lettres 1956

MULTEDO R. Le mazzerisme un chamanisme corse

ORIGINEL (L’) Les Giovannali, cathares corses.Corse terre de traditions

PIETRI J. et ANGELINI J.V. Le chamanisme en Corse ou la religion du néolithique.

POMPONI F. Histoire de la Corse

SCHOTT P. Les Cathares. Cercle Culturel Ligure

Guy PACINI

Janvier 1999

Les commentaires sont clos.